D’importants constructeurs ont récemment présenté des concepts de véhicules à motorisation électrique incluant un réservoir de gaz additionnel, utilisé soit en tant que prolongateur d’autonomie, soit en tant que réservoir principal d’énergie. Ces innovations démontrent la volonté des constructeurs d’optimiser les performances de leurs véhicules tout en gardant la porte ouverte à plusieurs voies technologiques distinctes.
MAN, constructeur de véhicules industriels allemand, a ainsi développé et testé un prototype de benne à ordure électrique doté d’un réservoir gaz additionnel permettant une extension d’autonomie. Pour ce faire, MAN s’est associé à IAV, une entreprise d’ingénierie allemande spécialisée dans le design de groupes motopropulseurs et dans l’électronique. MAN s’est chargé du design du véhicule et IAV de l’intégration du réservoir gaz. Ce développement s’insère dans le cadre du « Assured project », financé par le programme « Horizon 2020 ».
L’alimentation principale repose sur huit batteries de 700V et 150kWh chacune pouvant être chargées via le réseau électrique ou bien via le réservoir additionnel de gaz. Ce dernier est constitué de quatre réservoirs de type I (200 bars, 22kg de gaz stocké au total) assurant l’apport d’environ 100 kWh supplémentaires au sytème.
Cette possibilité de charger les batteries en opération grâce au générateur gaz augmente l’autonomie de plus de 20%, et offre la flexibilité nécessaire pour fonctionner sur batteries uniquement et donc n’émettre aucun gaz ou particules fines lors des opérations en ville. À ce système a été ajouté un dispositif d’échangeurs thermiques entre les trois circuits de circulation de chaleur permettant de réutiliser la chaleur fatale des batteries, du générateur gaz ainsi que des essieux afin de chauffer la cabine conducteur. Ce système permettrait ainsi à lui seul de prolonger de 8% l’autonomie totale du camion.
La note de concept détaille également l’architecture et les modalités d’intégration du système dans le véhicule, ainsi que le fonctionnement des systèmes de refroidissement. MAN et IAV ont notamment intégré un système innovant permettant de suivre la température du rotor du moteur (des capteurs étaient déjà présents sur la partie extérieure du générateur et l’onduleur, mais le rotor restait inaccessible). La température des aimants du rotor est déduite d’un voltage obtenu en laissant tourner à vide le générateur pendant quelques secondes lors d’un mode dédié, répété à intervalles réguliers. Ceci permet de vérifier qu’une température critique n’est pas atteinte.
Aux États-Unis, Hyliion, entreprise américaine fondée en 2015 et proposant des solutions d’électrification de poids lourds, a lancé l’« HyperTruck Innovation Council » regroupant douze partenaires représentant plus de 100 000 camions de classe 8[1] dans le monde. Cette association a pour but d’accélérer la commercialisation de l’« HyperTruck ERX » d’Hyliion. Elle regroupe des leaders de l’industrie du transport de fret, qui seront les premiers à tester les nouveaux HyperTrucks ERX. Ce processus permettra à Hyliion d’enrichir le développement de son camion de nombreux retours utilisateurs.
L’HyperTruck ERX utilise du GNC afin d’alimenter un générateur chargeant des batteries, elles-mêmes reliées à un moteur électrique. Cette configuration originale permet de bénéficier du réseau de gaz actuel pour faciliter le ravitaillement, tout en réduisant les émissions de CO2, notamment lorsque le gaz est d’origine renouvelable. Par ce biais, Hyliion annonce générer une électricité 30% moins chère que celle proposée par les fournisseurs, rendant son camion plus compétitif que les solutions diesel.
La présence du générateur gaz pour alimenter les batteries permet de revoir à la baisse la capacité embarquée et d’ainsi considérablement réduire le poids des batteries à bord, par rapport un véhicule tout électrique. Le poids total du véhicule se retrouve donc optimisé, permettant une meilleure efficacité au km parcouru par MWh consommé. Le poids lourd affiche également une autonomie supérieure à 1000 km, tout en profitant des performances de l’électrique, en matière d’accélération notamment.
L’usager est par ailleurs en mesure de programmer le passage en tout électrique, sur une distance maximale d’environ 120 kilomètres. Ces innovations portant sur l’hybridation montrent l’intérêt des acteurs du fret lourd pour le gaz naturel en tant qu’agent de décarbonation. Elles permettent également d’illustrer les interactions possibles entre motorisations électrique et gaz, et les gains pouvant être obtenus en tirant parti des avantages de chaque solution.
[1] Classe 8 : classe regroupant les véhicules les plus lourds, les camions affichant un poids nominal brut supérieur à 15 tonnes